Pour que l’art reste une expérience vivante

On l’a maintes fois relevé : les effets des mesures sanitaires en lien avec la covid-19 sont dévastateurs pour les arts et la culture. Cela est particulièrement vrai pour le secteur de la diffusion, les salles sont vides et les scènes désertées. Ce qui se passe constitue une véritable catastrophe aux yeux d’un programmateur qui, au fil des ans, et jour après jour, a alimenté un public attentif et qui, désormais, ne sait comment il pourra le retrouver.

Certes, la technologie nous permet aujourd’hui de diffuser à grande échelle et parfois avec une qualité et une expérience sensorielle si unique que la diffusion en soi participe à l’œuvre. Qu’on pense au cinéma 3D ou à la réalité augmentée par exemple. Toutefois, le partage d’une expérience collective reste essentiel. L’échange entre un acteur et un public vivant est intrinsèque à l’art théâtral. La fonction première de la musique, sa raison d’être la plus fondamentale, consiste sans doute à rassembler. Sur une scène, danseurs, comédiens, musiciens, poètes ou acrobates se nourrissent des réactions du public. Cette interaction rend chaque représentation unique. Dans le contexte actuel, comment préserver, voire enrichir cette relation si indispensable ?

La distanciation sociale que nous nous imposons en ce moment constitue une occasion encore jamais rencontrée de valoriser les espaces publics, les parcs et même les stationnements ! Au-delà de leur rôle social ou utilitaire, ces lieux prennent tout à coup une importance vitale pour les individus qui peuvent y retrouver des liens sociaux. Ces lieux peuvent et sont déjà utilisés pour permettre la rencontre entre les œuvres et leur public. On voit naître toute sorte d’initiatives plus imaginatives les unes que les autres. On assiste à un phénomène social et culturel nouveau. Pourquoi aller dans un stationnement assister à la projection d’un film alors qu’on pourrait faire son choix à la carte, au bout des doigts et dans son salon ? Pourquoi aller découvrir une exposition dans un lieu extérieur alors que ni l’éclairage ni les conditions de présentation des œuvres ne sont optimaux ? Peut-être est-ce le goût du partage de l’expérience, la possibilité de vivre une réelle proximité avec l’œuvre, de pouvoir réagir et se nourrir de la réaction d’autrui.

Vous me direz que cette expérience se produit déjà et que les municipalités et les festivals nous offrent une vaste proposition dès que les beaux jours se pointent. Si, bien sûr, mais cette proposition doit se réinventer pour permettre de présenter des œuvres diversifiées, exigeantes, destinées à toute sorte de publics, et ce, dans les conditions particulières que commande la santé publique en temps de pandémie.

Et si, pour déployer les idées et reconfigurer l’offre, on mettait à contribution la connaissance et l’expertise de nos programmateurs ? Si nous cherchions à ne laisser personne en plan, qu’ils soient acteurs ou spectateurs ? Qui sait, même la toponymie des lieux pourrait changer et prendre des couleurs poétiques ! On pourrait voir surgir une Place des Sœurs Guitares, un Cinécovid ou un P’tit Musée vert .

Nancy Bélanger
Directrice générale

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