Récemment se tenait à Montréal un forum sur le pouvoir des arts. Cet événement organisé par la Fondation Michaëlle Jean en collaboration avec Le Musée des beaux-arts de Montréal, réunissait des artistes, des chercheurs et des représentants d’organismes autour du thème : « les arts, des armes pour la paix ». Tout au long des deux jours, les intervenants ont partagé leurs initiatives, leurs expériences, leurs réussites et leurs doutes. Le but de ce forum était « de mobiliser les acteurs culturels, politiques, économiques, ceux de la santé, de la justice, et de la société civile en faveur d’une culture de la paix, de la cohésion sociale, du dialogue, de la compréhension mutuelle, et de l’équité, dans notre monde déboussolé qui en a grandement besoin. »
Reconnaître et valoriser l’art comme vecteur de changement social et de mieux-être
Parmi ceux-ci, je retiens le récit de cette jeune femme qui proposait des ateliers de danse thérapie en milieu carcéral. Cette expérience a permis aux détenues de se reconnecter avec leur corps, de reprendre confiance en elle, de réapprendre à être soi… À la fin de sa présentation, nous étions sonnés devant ce trop-plein d’humanité. Une personne ose lever la main et demande : « Est-ce que vous offrez encore ces ateliers? » Et la réponse fut « non, faute de financement. J’ai continué à le faire quelque temps bénévolement, mais j’ai dû arrêter ». Cette réponse ne devrait pas pouvoir exister. Dans une société riche comme la nôtre, tuer dans l’œuf ce type d’initiative si magnifique, si essentielle pour la cohésion sociale et le mieux-être, ne devrait pas être permis. Malheureusement, ce cas n’est pas une exception. Les défis du financement étaient un leitmotiv de nombreuses interventions au cours du forum.
Sans doute suis-je trop naïf, car après 30 ans dans le milieu culturel, je n’ai toujours pas compris comment il est possible que, devant de telles évidences du pouvoir et de l’importance des arts pour nos sociétés et les individus qui les constituent, nos élus ne soient pas plus sensibles à la culture, ne lui permettent pas de se déployer pleinement et de faire valoir son plein potentiel. [Je vous invite à lire le texte de Sabrina Brochu dans Le Courrier du Sud de cette semaine qui parle également de ce forum. Cliquez pour consulter l'édition virtuelle du journal. Vous trouverez l'article à la page 23.]
Une revendication à s’approprier et à faire valoir
Cela m’amène à vous parler du rassemblement pour le financement de la culture qui s’est tenu devant le parlement le 14 février dernier. Nous étions environ 300 personnes à revendiquer pour la culture une part de 2% du budget de l’État québécois. Je vous rappelle que c’est le double du financement actuel, soit des pacotilles pour un gouvernement qui distribue des milliards à qui mieux mieux et engrange des surplus. Si nous voulons que les choses changent, que la culture soit enfin reconnue comme une partie intégrante et fondamentale de notre société, nous ne le répéterons jamais assez : exprimons-nous, mobilisons-nous, faisons-nous voir.
Pour que cette jeune femme puisse à nouveau mettre à profit les arts pour apporter un peu douceur et une lueur d’espoir à des femmes exclues de la société, pour que des centaines d’autres artistes, travailleurs culturels et sociaux puissent poursuivre leur engagement pour un monde meilleur, la culture doit être valorisée, soutenue à la hauteur de ses ambitions, et considérée comme un pilier fort de l’économie québécoise. Nos élus doivent sentir que nous sommes solidairement forts et que nos revendications sont partagées par le plus grand nombre, sans quoi la culture québécoise et ceux qui la font continueront de s’appauvrir, indubitablement. Notre solidarité est essentielle pour que l’État confirme et consolide son engagement envers la culture.
Franck Michel