Le 29 janvier était dévoilé le très attendu rapport Yale portant sur la modernisation de la loi canadienne de la radiodiffusion, qui date de 1991. La plupart des experts et des regroupements professionnels ont reconnu qu’il s’agit d’un immense pas en avant afin de faire face aux transformations engendrées par les géants du Web quant à la consommation des contenus culturels. Avec pas moins de 97 recommandations, la rigueur de la démarche semble faire consensus. L’audace de certaines mesures a également été saluée.
Précisons d’emblée que le rapport ne recommande pas la mise en place d’une « taxe GAFA ». D’ailleurs, la France qui a fait figure de proue en adoptant sa taxe sur les revenus numériques en juillet 2019 a annoncé pas plus tard que le 3 février dernier qu’elle songeait sérieusement à la suspendre temporairement. La raison principale serait les menaces de représailles commerciales de la part des Américains. En contrepartie, le rapport Yale propose que les plateformes de diffusion de contenu aient l’obligation d’allouer une partie de leur budget à la production de contenu canadien. On reste cependant flou sur les montants ou pourcentages de cette éventuelle contribution. Au point de vue de la fiscalité, on suggère également l’application de la TPS/TVH aux entreprises étrangères qui fournissent des services numériques comme Netflix, Amazon Prime, Crave ou Spotify.
Bien que le rapport Yale ne suggère pas l’adoption d’un seuil minimum ou de quotas de contenu local, il stipule tout de même que toutes les plateformes de « curation de contenu » devraient avoir un catalogue canadien. Surtout, elles auraient l’obligation de contribuer à la découvrabilité de ces contenus. C’est-à-dire de s’assurer qu’ils soient visibles et facilement repérables sur leur plateforme. Ces exigences en matière de mise en valeur seraient accompagnées par l’obligation d’être plus transparent sur le fonctionnement des algorithmes de recommandations et de suggestions qui servent à guider le choix des utilisateurs.
Le rapport recommande aussi que soit retirée graduellement la publicité de toutes les plateformes de Radio-Canada. Le but étant que la société d’État se déleste d’objectifs commerciaux pour se concentrer sur son rôle d’institution médiatique publique. Seule ombre au tableau, un nombre considérable d’acteurs du milieu déplore que le rapport ne recommande pas l’instauration d’une redevance qui servirait à financer la production pour les fournisseurs de services Internet. Pour sa part, le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbault, se dit prêt à procéder par règlements via le CRTC et non pas par un projet de loi pour mettre en place rapidement certaines des recommandations. Ayant pour titre « Le temps d’agir », le rapport Yale sème enfin l’espoir d’une législation adaptée à l’ère numérique.
Pour en apprendre davantage, nous vous recommandons l’écoute de l’entrevue de Michèle Rioux, professeure au département de science politique de l’UQAM et directrice du Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CEIM).
Christian Laramée
Agent de développement culturel numérique