QC 2018 : où est la culture?

La campagne électorale bat son plein et les annonces des partis en lice se multiplient. Jusqu’à maintenant, la culture est pratiquement absente du débat. Pourtant, elle devrait être au centre de la vie citoyenne pour contribuer à l’épanouissement des communautés et des individus. D’aucuns diront que les attentes et les besoins multiples du milieu culturel ont déjà eu l’occasion de s’exprimer durant tout le processus ayant conduit le gouvernement du Québec à lancer, le 12 juin 2018, la nouvelle politique culturelle, Partout la culture. Justement, considérant son importance et le consensus dont elle est l’objet (420 mémoires déposés, 320 intervenants entendus, un forum national), pourquoi cette politique a-t-elle été annoncée si tardivement et est-elle passée presque inaperçue?

Les conseils de la culture, qui sont des organismes de concertation, ont choisi de parler d’une seule voix pour réclamer que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, s’engage à bâtir sur les fondations solides de cette politique. Ils s’unissent aussi pour demander que l’enveloppe budgétaire de 100 M$ par année destinée à sa réalisation soit à tout le moins maintenue.

Cette Politique inclusive et novatrice traite de thèmes importants de façon transversale. On pense particulièrement à la promotion et au rayonnement de la langue française, tout premier objectif énoncé dans la Politique et appuyé d’une enveloppe de 11,5 M$. On aborde aussi la relation entre la culture et le territoire, l’amélioration de l’accès à la culture pour tous, l’adaptation des pratiques et la stimulation de l’innovation numérique afin d’en faire un levier de développement pour l’ensemble du secteur culturel, condition devenue sine qua non à notre capacité d’exister dans l’espace culturel public, ici comme ailleurs.

Qu’en est-il de la Montérégie dans le paysage culturel national ? Outre l’importance de nous doter d’une vision commune en matière d’art et de culture, ce que poursuit la Politique culturelle, nous souhaitons sensibiliser tant les candidats locaux des différents partis que la population et les instances gouvernementales à des réalités qui nous sont propres et freinent le développement culturel en Montérégie.

Nous avons retenu six thèmes ou inquiétudes pour lesquels nous voulons connaître les intentions des partis.

Une iniquité qui freine le développement de toute une région

Déjà, en 2012, nous constations dans un portrait du financement public de la culture en Montérégie, le retard marqué qu’accuse la région par rapport au reste du Québec. Une mise à jour de ce portrait en 2017 ne nous laisse voir aucun changement à cette situation, et ce, malgré de nombreuses représentations et prises de position publiques. La Montérégie est la 2e région la plus peuplée du Québec et se trouve toujours au 16e et avant-dernier rang du palmarès des dépenses par habitant. Cette iniquité freine le développement culturel de notre région qu’un grand nombre d’artistes ont choisie pour élire domicile.

Mieux appuyer les porte-voix de la communauté que sont les médias communautaires

La situation des médias s’est grandement fragilisée au cours de la dernière décennie. L’internet et la dématérialisation des supports forcent les organes de presse à revoir leur modèle d’affaires. Dans les médias communautaires, cette situation frappe de plein fouet de petites structures qui composent avec des équipes bénévoles et des sources de financement qui s’amenuisent. Or, pour qui parle d’ancrage dans le territoire et d’appartenance, les médias communautaires sont vitaux. En Montérégie, qui comptait jusqu’à tout récemment 17 médias communautaires, la fermeture de CHOC-FM et les récentes difficultés éprouvées par Point Sud ont de quoi préoccuper. Pourtant, les médias communautaires ne reçoivent pas, depuis plusieurs années, la part des placements publicitaires qui leur est destinée. Cela alors même que le gouvernement s’est donné une règle de conduite : que les ministères et organismes consacrent 4 % de leur budget publicitaire aux médias communautaires.

Soutenir les organismes qui contribuent au dynamisme et à l’appropriation du patrimoine culturel

La Politique culturelle du Québec accorde une place importante à la relation entre le territoire, le patrimoine et la qualité de vie. En Montérégie, comme dans plusieurs régions du Québec, des organismes culturels, comme les musées, les centres d’interprétation, les associations historiques et autres, œuvrent à la découverte de ce patrimoine, à son rayonnement, et surtout, permettent aux populations locales de se l’approprier. Leur contribution essentielle à la mémoire collective et au développement d’un sentiment d’appartenance n’obtient pas la reconnaissance et l’appui qu’elle devrait.

Améliorer les conditions de vie et de pratiques des artistes et des travailleuses et travailleurs culturels

Depuis bientôt un an, Culture Montérégie documente les conditions socioéconomiques des artistes et des travailleurs culturels. Nous constatons combien il est nécessaire de façonner un environnement propice à la création et au rayonnement des arts et de la culture. Il en va du déploiement du plein potentiel de création et de production des artistes et des travailleurs culturels. Cela prend la forme de lieux de création, d’accès à des équipements spécialisés et à des lieux de diffusion.

Reconnaître le travail des organismes culturels en régions pour la découverte et la reconnaissance des cultures autochtones

La Politique culturelle du Québec accorde une importance particulière au soutien gouvernemental afin de répondre aux préoccupations des Autochtones. Au nombre des priorités qu’elle se donne : favoriser les échanges et les rencontres pour faire en sorte que les Non‑Autochtones découvrent ces cultures et en apprécient la richesse et la grandeur. Des acteurs participent déjà à cette mission partout sur le territoire montérégien. Pourquoi ne pas reconnaître et soutenir adéquatement leur travail ?

Appuyer la création d’un réseau de hubs créatifs en Montérégie

Les hubs créatifs et les incubateurs d’entreprises ont fait la démonstration de leur impact pour dynamiser un secteur d’activité. La métropole l’a bien compris et on voit s’y installer un peu partout ce type d’établissements qui décuplent les possibilités de collaboration et la mise en commun des ressources et des expertises. Considérant l’importance de permettre aux artistes de créer ici, en Montérégie, et d’y trouver les conditions optimales de leur développement, il serait souhaitable de voir des hubs créatifs se réaliser pour regrouper une variété de professionnels, d’organismes et d’entreprises des secteurs des arts et des disciplines créatives. Un tel projet nécessite des moyens, à commencer par des espaces physiques.

***

Au cours des prochaines semaines, vous aurez peut-être la chance de rencontrer des candidat(e)s ou de prendre la parole. Unissons nos voix et parlons de ces attentes et des moyens de permettre aux artistes de créer chez eux et de trouver leur public ici en Montérégie.

D’ailleurs, Culture Montérégie, avec la précieuse collaboration des médias communautaires de la région, a convié les principaux partis en lice à prendre part à un débat où seront abordés les enjeux ci-haut mentionnés. Nous vous transmettrons tous les détails très bientôt afin que vous puissiez suivre cela auprès de votre média communautaire local.

Nancy Bélanger

Partager :